Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

A LONDRES. 39

rien que je ne donnasse pour causer deux heures avec vous. Adieu, je vous aime et vous embrasse de tout

mon cœur.

celte grande révolution, la France avait encore trop de jalousie contre l'Angleterre pour s’y prêter, et que les deux ministres s'étaient accordés à soutenir qu'il était impossible que l'Angleterre fit les premiers pas, parce qu'ensuite, si nous ne nous y prêtions point, elle aurait inspiré gratuitement la méfiance aux puissances dont elle est obligée aujourd'hui de rechercher l'alliance.

« J'avoue que je suis parfaitement de leur opinion en ceci. J'ajoute qu’il me paraîl impossible de persuader à l'Angleterre que nous songeons sérieusement à celte grande métamorphose de toute la politique du globe, aussi longtemps que nous aurons l'air de nous occuper presque entièrement du système maritime, et de nous reposer absolument pour le maintien du système continental sur notre alliance avec la cour de Vienne, dont la puissance qui porte tous les jours sur de plus grandes bases, n'aura bientôt plus aucun contrepoids sur le continent; pas même le nôtre, puisque nous sommes partagés entre la terre et la mer, et que l'Empereur n'a et n’aura de longtemps que le développement de ses forces continentales.

« Cependant, où marchons-nous, Monsieur le due? à recueillir les fruits amers d'une méfiance universelle, et à tomber dans les dernières syncopes de l'épuisement en voulant forcer la nature des choses qui ne permet pas que la même puissance ait les deux sceptres, qui nécessite la prodigalité de capitaux immenses et toujours renaissants pour créer et soutenir une puissance de mer, prodigalité incompatible avec l'incalculable dérangement de nos finances, qui surtout frappe de malédiction et de stérilité tous les efforts dont le but serait de substituer une puissance artificielle à celle qu’elle a donnée et dont elle réchauffe les germes et facilite les développements autant qu'elle contrarie tout ce qu’on fait en dépit d'elle.

« Mais je parle de la guerre devant Annibal. Je ne veux, Monsieur le duc, que vous encourager à cultiver sur ce beau sujet votre propre pensée, à tracer, comme vous savez faire, le parallèle du système continental appuyé de toutes les invitations de la nature et du système marilime, investi de toutes les entraves et de toutes les chausse-trapes de la politique; à montrer la possibilité, j'ai presque dit la facilité, d'asseoir sur l'éternelle et inébranlable base de l'intérêt commun l'alliance de deux pays qui doivent et peuvent commander la paix au