Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

38 MISSION DE TALLEYRAND

qu'il faudra pour que vous ne puissiez pas même être accusé d’avoir faitune indiscrélion. Je serais pour mille raisons charmé que vous passiez à Valenciennes. En une conversation je vous donnerais plus de moyens

pour l'Angleterre qu'en vingtlettres". Il n’y a d’ailleurs

! Le projet d’une alliance entre l'Angleterre et la France, après la guerre de l'indépendance américaine, si hardi à ce moment, appartient à Mirabeau, qui écrivait déjà en 1786 la lettre inédite suivante à Biron :

« Berlin, le 25 juillet 1786.

« Je n'ai pas encore reçu, Monsieur le due, depuis que j'ai quitté Paris, une seule lettre qui me parle, soit de ceux qui ont des bontés pour moi, soit de la chose à laquelle on a jugé à propos de m’occuper, et qui cependant mériterait qu'on y donnât un peu plus d’importance. Mais j'ai eu occasion de beaucoup parler de vous et de vérifier plus que jamais combien vos idées sur les pays que vous connaissez sont justes et saines. Je ne saurais entrer dans ces détails aujourd'hui. Je désire seulement vous encourager dans le beau et vraiment grand projet où je vous ai laissé : celui de tourner vos forces dans la carrière où tout vous appelle vers un changement de système sans lequel l'Europe errera toujours à l’aventure entre les agonies de mauvaises paix qui ne seront que des trêves indéfiniment ordonnées par l'épuisement réciproque et les horreurs de guerres aussi indécises que ruineuses.

« J'ai beaucoup causé avee le duc régnant de Brunswick dont vous connaissez la sagesse et les talents, et qui parle de vous avec un très grand plaisir; j'ai discuté avec lui cette ilée prétendue chimérique d’une alliance entre la France et l'Angleterre; il la regarde comme le sauveur du monde et comme n’ayant d'autre difficulté que les préjugés de la fausse science, et la tiédeur de la pusillanimité.

& J'en ai parlé. philosophiquement avec la légation anglaise, et j'ai trouvé milord Dalrymple, et même son très britannique secrétaire de légation, infiniment plus près de ces idées que je n'aurais osé espérer. Le lord m'a dit qu’aussitôt la nouvelle de la Confédération germanique, il avait dit au marquis de Carmarthen et à M. Pitt qu'il n’y avait plus qu'un système pour l'Angleterre, celui d’une coalition avec la France, fondée sur la liberté illimitée du commerce; que M. Pitt lui avait répondu qu'outre que l’on n’élait pas mûr à