Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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demment les chefs des jacobins, dont les autres se sont publiquement honorés d’avoir été les meurtriers du roi, elles s’obstinent à retenir comme un vrai monument de leur impuissance trois hommes irréprochables qu'on ne leur demande pas à coups de canon ?

N'est-il pas remarquable que les geôliers de La Fayette et de ses deux amis soient toujours les stipendiés du gouvernement anglais, et que la honte de cette action soit une des conditions secrètes de ces subsides qu'on vient sans cesse demander à la nation anglaise?

Croit-on acquérir beaucoup de droits à l'amitié des États-Unis, dont les liaisons commerciales sont si importantes, en leur faisant sentir tous les jours depuis quatre ans que leur influence politique n’est pas assez grande pour obtenir la liberté du concitoyen qu’elles chérissent, que le gouvernement anglais ne veut avoir avec eux les bons procédés prescrits par le droit des gens que lorsque leur marine et leurs autres moyens toujours croissants seront plus en état d'exiger? Que de motifs on leur donne de se réjouir de s'être séparés de l’Europe, dont tous les gouvernements, ayant à leur tête celui de la GrandeBretagne, se réunissent pour persécuter un homme dont le caractère leur est si connu, et qui, après les injustices d’une des patries qui le réclameront dans l'histoire, après vingt années de périls, de travaux, de sacrifices et de souffrances pour la cause de l’humanité, ne peut plus songer qu'à se retirer au sein du peuple vertueux et vraiment libre des États-Unis, qui lui doit en partie son bonheur et qui, en voyant les troubles qui déchirent la France depuis 1792, doit chérir de plus en plus les chefs de sa propre révolution ?

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