Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 299

horrible suite de carnages, de meurtres, de pillages, d’assassinats juridiques qui, depuis le 10 août, ont fait de la France un théâtre d’horreurs ? Et tous les partis qu’elles ont achetés tour à tour, leur ont-ils valu d'autre avantage que de multiplier des crimes inutiles? A quoi leur a servi la corruption des chefs militaires qui n'ont pas même su leur livrer les plans qu'ils avaient vendus ? Et si l’on veut regarder comme un succès que l’inexpérience de quelques généraux ait rendu leurs victoires plus sanglantes qu'elles ne l'auraient été sous Rochambeau et La Fayette, en sont-ce moins des victoires ? Les projets insensés des alliés pouvaient-ils réussir? Et puisque tout a démontré que les efforts communs des puissances étrangères, des émigrés français et de tous les désorganisateurs intérieurs, n’ont produit que des maux funestes à eux-mêmes, pourquoi faut-il que cette rage impuissante s'exerce encore sur trois individus qui, lorsqu'ils étaient libres, s’efforçaient de prévenir ces maux; dont la proscription fut le signal des crimes; dont la détention a été le scandale des honnêtes gens, et dont l'isolement, à présent qu'ils sont restés seuls dans les fers, donne une indication si précise et si peu honorable aux gouvernements qui sont entrés dans la coalition, de ce qui excite particulièrement leur haine et leur vengeance ?

Ne dirait-on pas que les puissances coalisées craignent que l'Europe et la postérité n'oublient les folles prétentions énoncées dans leurs manifestes? qu'on ne perde le souvenir qu’elles ont été forcées de recevoir la loi du peuple à qui elles comptaient si impérieusement la donner? et que lorsqu'elles sont contraintes de relàcher tous les prisonniers, dont les uns pendant toute la Révolution ont été évi-