Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

312 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

veaux obstacles. — Quels obstacles pourrait-il y avoir à présent? a répondu M. Cant. — Les ennemis des prisonniers, a repris cet homme, sont dans le cabinet. » Vous voyez que des gens qui sont dans la bouteille à l'encre sans être tout à fait au fond, se doutent que dans ce fond il se machine encore quelque chose contre notre délivrance.

Romeuf et Charles! couraient droit à Vienne et voulaient tomber tout à coup dans le cabinet du vizir. Leur projet est le meilleur qu’on puisse faire avec de faux passeports ; mais nous les avons arrêtés pour trois motifs. Le premier est la crainte que M. de Thugut, fort impatienté contre nous, contre Romeuf, et contre l'engagement qui le presse, ne cherche à se venger sur les deux voyageurs* et à couper, en les emprisonnant, le fil de cette incommode négociation. Le second est que, s’il voulait des prétextes pour se plaindre des plénipotentiaires de la République, il saisisse pour cet objet l’arrivée en contrebande d’un citoyen qu’on sait être employé par eux. Le troisième est qu'étant engagé par une parole positive et ne pouvant plus que retarder, il tâcherait peut-être d’incidenter sur cette circonstance, comme une brèche faite aux engagements réciproques. À ces trois motifs s'est jointe une terreur peu probable, mais bien prépondérante pour nous. C’est que si par malheur la guerre recommençait au moment où Romeuf, reconnu oflicier et agent français, se trouverait déguisé à Vienne, sa situation pourrait y devenir très dangereuse. Nous sommes cependant bien convaincus que la présence de Romeuf à Vienne et une con-

1. De la Tour-Maubourg, frère de l’aide de camp de La Fayette et

futur mari de Ml+ Anastasie de La Fayette. 2. Louis Romeuf et Charles Maubourg.