Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

346 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

je puis donc compter que rien ne retardera votre retour; mon vœu serait, comme je mandais à Anastasie, de partir dans le même temps pour aller audevant de vous; Maubourg voudrait profiter de l’occasion pour embrasser sa femme si elle pouvait sortir avec vous, et reviendrait bien vite dans son petit ménage de Ploen. Quant à nous, deux affaires doivent influencer notre marche : les couches d’Anastasie, dont je voudrais être le moins loin possible, et le départ au printemps pour l'Amérique, où je voudrais faire par terre le plus de chemin que je puis. Il est sûr d’ailleurs que l’idée dont Anastasie parle à son frère est ce qu’il y a de moins cher, de plus convenable, et me plairait beaucoup, aux conditions dont je parlais à cette chère fille. Gouverneur Morris a mis à la voile avec la citoyenne Le Ray; ilne nr'a point demandé mes commissions, et s’est borné à des compliments, après son départ, par son correspondant qui va retourner chez lui; j'aurais fort souhaité que Morris n’arrivât en Amérique qu'après la réconciliation. Nous ignorons quels arguments vous avez à donner contre la vente de la chère presqu'ile; mais dans tous les cas, elle est décidée, ce n’est plus un secret; les propositions et les renseignements vont leur train; on n'en sortira pourtant pas, suivant toute apparence, avant le mois de mai; la disposition future, en provi-

1801. Me d’Ayen était morte sur l'échafaud le 4 thermidor an II (22 juillet 1794), avec l'ainée de ses cinq filles, M" de Noailles. Lors des pourparlers pour le partage, M. de Nouilles était en Amérique. La seconde fille était Mwe de La Fayette, La troisième, Mw° de Thésan, était morte peu après son mariage, et M. de Thésan vivait émigré en Allemagne. La quatrième, M° de Montagu, étant frappée de mort civile, le fisc, son successeur légal, s'était fait allouer sa part d'héritage, qui avait été ensuite rachetée et réunie au fonds commun. Enfin la cinquième fille, Mw de Grammont, vivait en Suisse avec son mari et ne put se réunir à ses deux sœurs vivantes qu'à Vianen en 1799.