Discours de M. le général Cubières, pair de France, ancien ministre de la guerre, membre du Comité d'infanterie : recueillis et précédés d'une notice historique par un officier de l'ancienne armée

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De la substitution et du remplacement.

M. le général Cubières. La faculté de se faire remplacer est écrite depuis longtemps dans notre loi militaire ; mais le remplacement existait de fait bien avant l’époque où le régime des recrutements réguliers et périodiques fut établi. On se rachetait jadis à prix d'argent de l'obligation de marcher en guerre à la suite des seigneurs ou avec les contingents fournis par les-communes; on s’affranchissait des bans et arrière-bans; plus tard, on continua à se dispenser du servicepersonnel même dans les milices provinciales, toujours pour de l'argent et en se faisant remplacer. Ainsi, à toutes les époques, les gens riches, lorsqu'ils répugnaient à la profession des armes, eurent la faculié de choisir parmi les pauvres des hommes qu'ils payaient pour combattre, et au besoin pour se faire tuer à leur place ; mais ce fut seulement de nos jours que Vopinion prenant le change sur les transactions de cette nature, s’avisa de flétrir ceux-là mêmes qui font de leurs corps un rempart à d’autres hommes que leur aisance dispense de l’accomplissementde la loi, et qui préfèrent vivre tranquilles ou travailler à augmenter leur bien-être.

D'où peut provenir une telle injustice ? Serait-ce donc que les riches sont en possession de diriger l'opinion, et que les pauvres sont réduits à la subir.

Mais sans remonter aux causes du préjugé ‘injuste et nuisible, oui, très-nuisible au pays où il a pris racine, contentons-nous d’en indiquer les fâcheux effets et d'y chercher un remède s’il est possible.

Le remplacement n’est point un mal qu’il faille tant déplorer ; ce ne fut point à tort que la loi l’autorisa ; l’armée