Entre slaves

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à la recherche d’une clientèle, fonctionnaires en place ou en instance, journalistes, quelques commerçants, formant la classe remuante, dirigeante, qu'on est convenu de considérer comme la représentation exacte de l'opinion publique. A l'instar des Turcs qui, après des siècles de conquêtes et de bouleversements, croient avoir le droit de se reposer en rèvant aux gloires passées, nombre de Serbes, ayec moins de raison que leurs anciens maitres, s’enlisent dans une existence paresseuse dont la tradition leur vient de ces derniers. Ce sont les plus acharnés en politique : il y a, dans cette atmosphère enfumée de café, des luttes sourdes de groupes à groupes, de radicaux à progressistes, des regards de frères ennemis, des échanges d’invectives et parfois de coups.

Les événements de Bulgarie, la révolution du 18 septembre 1885 à Philippopoli venaient d'éclater et les visages étaient plus silencieux. On avait le sentiment que l’heure des graves résolutions allait sonner. Les partisans du gouvernement, les progressistes, éprouvaient une certaine angoisse devant l'inconnu, tandis que leurs adversaires se tenaient sur le quivive. Secrètement, ceux-ci, plus politiciens que patriotes, espéraient que le gouvernement commettrait au cours des événements futurs, quelque faute capitale dont on profiterait. Toutefois, quelles que fussent Les idées mauvaises de derrière la tête des uns etdesautres, les opinions se rencontraient sur un point capital : « Nous ne pouvons souffrir, nous Serbes, disait-on,