Entre slaves

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fit part des réflexions que ce retour vers le passé venait de lui inspirer.

— Sans doute, nous disait-il, l'extrême simplicité de nos gouvernants d'il y a soixante ans peut nous faire sourire aujourd'hui, et notre roi Milan, dans sa somptueuse demeure de Belgrade, des fenêtres de laquelle son regard s'étend au loin en Hongrie, dans la direction de la civilisation, à Pesth et à Vienne, a le droit de penser que son pays a fait du chemin depuis son aïeul. Cependant, après toutes nos révolutions et nos évolutions, où en sommes-nous? Pris, cernés entre le passé et la civilisation moderne. Impossibilité de reculer, difficultés pour avancer. Nos pères, ignorants, vivaient sans besoins, le produit de leurs terres ou de leur commerce leur suffisait largement. Cela ne les empèchait pas de nourrir un patriotisme ardent. Ils l’ont prouvé. Nous avons remplacé les fustanelles par le drap noir, la dictature patriarcale par la Constitution qui souvent ne fait que déguiser un autre genre de despotisme. L’instruction, nous en avons à revendre! Des milliers de jeunes gens ont passé des années sur les banes des écoles en France, en Allemagne et ailleurs. Nous connaissons toutes les littératures, les systèmes de philosophie nous hantent l'esprit, les sciences nous ont donné la clef de bien des mystères. Des quantités d’autres jeunes gens, dans nos collèges, acquièrent une instruction moins élevée, mais solide encore. Nous n’avons plus un Miloch qui règle lui-même toutes les affaires pu-