Entre slaves

LA SERBIE EN 1885 27

l'apparition de ce brillant équipage, trop moderné au milieu de rues encore à moitié turques et d’une population tourmentée et molle, symbolise par un contraste l’état de ce pays qui se débat dans l’application d'idées et de mœurs nouvelles, implantées sur un vieux fonds d'habitudes invétérées.

La Marseillaise! La Marseillaise! Le vieux chant patriotique, que chaque peuple s’approprie dans ses moments de fièvre guerrière ou révolutionnaire, retentit sous des bosquets illuminés. Dans le fond du jardin, un orchestre de ces jeunes filles tchèques, pianistes, violonistes, flûtistes, qui promènent en robes blanches dans tout l'Orient l’art musical autrichien, accompagne les chanteurs. Bravo! Bis! Puis, c'est le chant national serbe dont la mélodie un peu sauvage court sur toutes les lèvres.

Une partie de l’auditoire se compose d'étudiants, accourus depuis quelques jours, les uns de Paris, les autres d’Allemagne, à l’appel de la mobilisation. Ceux-ci plus réservés, l'esprit encore embrumé par les « kneipen » fameuses et gargantuesques; ceux-là, bruyants, animés, jetant autour des tables leurs dernières gerbes de gaieté boulevardière, émaillée de lazzis parisiens, et les uns et les autres gardant pour la vie le cachet particulier dont ils ont reçu l’empreinte à Heildelberg, à Berlin ou à Paris.

Les causeurs, entre deux chansons, après le refrain de la Marseillaise, développent leurs espérances avec

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