Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 104

mit alors une grande hardiesse à protéger l’ordre public et les droits du roi. Le 5 octobre au soir, comme il était déjà couché, il se leva tout exprès pour aller chasser le peuple du local de l’Assemblée. Il somma le président de faire évacuer la salle, et, la foule en furie faisant mine de résister : « J'aimerais bien savoir, s’écria-t-il avec hauteur, pourquoi l’on se donne des airs de nous dicter ici des lois ? » Malgré ses efforts, il ne put sauver Louis XVI de la triste nécessité de quitter Versailles. Mais, afin de sauvegarder la Majesté royale et de protèger la vie du monarque, il obtint de l’Assemblée qu’elle se déclarât inséparable de ce malheureux prince que le peuple emmenait à Paris'.

Le retour du roi aux Tuileries fut, suivant la trop juste expression de M. Taine, « le convoi funèbre de la monarchie?. » Mirabeau le sentit tout de suite et chercha, d’abord par ses adresses au peuple et par ses discours à l’Assemblée, à rendre au roi un peu de son prestige. Puis il recourut à des moyens plus efficaces. Il conclut alliance avec les chefs de la noblesse libérale ainsi qu'avec Monsieur, frère du roi, comte de Provence, qui se trouvait lui-même confiné au palais de Luxembourg. Il lui fallait un prince pour patronner ses idées et, renonçant définitivement aux espérances que le duc d'Orléans lui avait fait autrefois concevoir, il les reporta toutes sur celui qui, sous le nom de Louis XVIII, devait un jour faire le premier essai sérieux de royauté parlementaire, « La monarchie est perdue, disait-il, si Monsieur ne reste pas et ne prend pas les rênes du gouvernement. » Le comte de La Marck, l’évêque d’Autun et le duc de Lévis le mirent en rapport avec le frère du roi. Le 45 octobre, Mirabeau lui remit un mémoire où il étudiait les moyens d'enlever Louis X VI au peuple de Paris et de restaurer son autorité, tout en maintenant la plus

1. Mon. Disc. des 5 et 6 octobre. Courrier, ne 50, p. 17-18, 20-21. Dumont, p. 181. Martin, v. I, p. 96.

2. La Révolution, p. 140.

3. Cf. motions de Mirabeau pour rappeler le respect dû au roi, pour restreindre les pouvoirs de l’Assemblée, pour rendre les municipalités responsables de l'ordre, pour empêcher les députés modérés de partir, pour résoudre la question financière en confisquant les biens du clergé. Mon. Disc. des 7, 9, 10, 12, 14, 23 et 24 octobre 1789, Courrier, n° 51, p. 8, 16 et 20, n° 52, p. 5, n° 54, p. 18, n° 55, p. 15 et 19, n° 56, p. 7-8.

4. La Fayette, v. I, p. 336, v. IL, p. 362-363. Ferrières, v. I, p. 170. SaintElienne, Histoire de la Révolution, v. I, p. 88. Droz, v. I, livre I. Martin, Vel pe 113.