Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 35

il le trouvait encore trop modéré. « Montesquieu, disait-il, a su défendre la liberté, mais il s’est montré dans l'Esprit des Lois circonspect jusqu’à la timidité. Partout il compose avec les prêtres et les rois!. — S'il a recouvré nos titres, il est trop vrai qu’il ne nous en a rendu que la plus petite partie?. » Mirabeau ne partage pas son admiration exclusive pour la constitution anglaise. Il exige de plus grandes réformes. « Le système de Montesquieu, dit-il, est toujours plus fondé sur les faits que sur les principes, sur ce qui est que sur ce qui devrait être. — Il ne fait qu'employer tout son esprit pour justifier ce qui est et farder nos institutions d’un génie trompeur“. » Ainsi Mirabeau ne semble pas appartenir à l’école de Montesquieu, surtout avant 1789. Mais l'expérience lui apprendra à tenir compte des faits et, sans s’en douter, il en arrivera à exécuter ce qu’il blämait d’abord chez ce philosophe.

Appartient-il alors à l’école de Jean-Jacques Rousseau ? Mirabeau est loin d’être un idéologue, un fanatique entêté dans ses principes. Dans ses premiers ouvrages même, il reconnaît que le plan du citoyen de Genève n’est pas réalisable. Rousseau va trop loin, à son gré, et ses principes politiques ne sont pas toujours exacts5. Il remarque toutefois qu’il a découvert les fondements réels de la société et relève chez lui plus d’un conseil utiles,

Tout en reconnaissant qu’elles n'avaient pas une grande valeur pratique, il admire autant les idées de Rousseau que son style. « Oh, s’écrie-t-il, quelle révolution opéreraient dans l’esprit humain et dans les systèmes politiques des sociétés deux hommes de cette trempe et dans les mêmes principes qui se succéderaient’! » Aspirait-il à continuer Rousseau? Il ne le fit pas. Quoiqu'il semble le placer, dans son estime, au-dessus de Montesquieu, c’est plutôt à l’école de ce dernier qu'il se rattache.

Ces deux maîtres de l’opinion avaient chacun son idéal. L'un le trouvait plutôt dans la république antique; l’autre, Montes-

. Lettres de cachet, t. I, p. 190. . Ibid, 64. . Courrier de Provence, v. VIII, p. 14 (8 mai 1790). . Lettres à mes commettants, n° XX, p. 11. - Lettres de cachet, . I, p. 360. — Correspondance Mirabeau-La Marek, v. IL, p. 466. 6. Corr. Mirabeau-La Marck, v. II, p. 466. 7. Leltres de cachet, t. I, p. 360.

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