Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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époque où il n’avait pas à sa disposition tous les documents que nous possédons maintenant.

Enfin, pour faire une étude complète de l’orateur, il est incontestable qu’il faut recourir non seulement aux remarquables travaux spéciaux de MM. de Tocqueville et Taine, mais encore aux Histoires de MM. Thiers, Mignet, Michelet et H. Martin, sans oublier le travail de M. Lanfrey, intitulé Essai sur la Révolution française!.

Ce n’est qu'après avoir parcouru tous ces travaux que l’on peut oser présenter au public le système politique du comte de Mirabeau. EXPOSÉ DES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU.

APERÇU GÉNÉRAL.

Nombreuses étaient les sources auxquelles Mirabeau avait puisé ses idées politiques. Dans son âme ardente et généreuse le sentiment de la liberté s’était bientôt éveillé; puis l'expérience lui avait fait comprendre la nécessité de l’ordre et de la modération. À sa propre expérience s’ajoutaient ses études dont nous avons parlé. Il avait appris à connaître les mœurs et les gouvernements étrangers?. Il avait lu et relu les publicistes et les philosophes du xvm siècle. Il cite leur liste dans ses ouvrages. Mais les plus remarquables auteurs à l'étude desquels il se soit appliqué sont Rousseau et Montesquieu.

De ces deux chefs de file de la Révolution, lequel devait-il suivre ? S’attachait-il au magistrat modéré qui cherchait un compromis entre l’ancien ordre de choses et l'esprit moderne et dont l'idéal politique devait à peine atteindre aux réformes de 1789 ? Préférait-il au contraire le philosophe genevois qui réclamait une réforme radicale de l’ordre politique et social et dont les vœux ne devaient être exaucés qu’en 1793?

Mirabeau lisait beaucoup Montesquieu; il le respectait, il le citait, mais pour le réfuter®. Avant le moment de la Révolution,

1. Paris, 1858, in-12.

2. Reynald prétend qu'il avait spécialement étudié les institutions anglaises. (Mirabeau et la Constituante, p. 162.)

3. Lettres de cachet, t. I, p. 6, 43, 199, 200, 204 et 205.