Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 84

de protection mutuelle regarde surtout les grands de l’État, car < ce sont les hautes cimes qui sont les premières frappées!. »

Le corollaire de la propriété personnelle, ou liberté, est la propriété des choses. Afin que chacun possède, Mirabeau cherche à provoquer une grande division dans les domaines; la propriété assure en effet l'existence de l’homme et l'intéresse à la socièté. Dans ce dessein il pousse à la vente des biens de l'Eglise. Cependant, au moment de la Révolution, il respecte la proprièté légitime de la noblesse, jusques et y compris la dîme féodale: il ne veut pas qu'on l’abolisse sans compensation ; il propose qu'elle soit rachetée, car elle représente le droit de fermage payé par le tenancier à son propriétaire?. D'autre part, il ne reconnaît pas la distinction des propriétés nobles et roturières. Déjà, dans la lettre qu’il lui adresse, il presse le roi de Prusse de rendre aux bourgeois la faculté d'acquérir les terres nobles avec tous les droits qui y sont attachéss.

Dans toutes ces questions, il s'inspire de la théorie des physiocrates. Comme eux, il encourage la propriété foncière et considère l’agriculture comme la première richesse de l'État. Tout genre d'acquisition honnête est permis. Le commerce et l’industrie doivent être délivrés de toute entrave. Mirabeau réclame la suppression des monopoles et des prohibitions et soutient énergiquement le libre échange.

Mirabeau, l'avocat de toutes les libertés, eut, dans des circonstances bien différentes, à défendre le droit d'émigration. Pour assurer ses recrutements militaires, Frédéric II avait interdit à ses sujets de sortir de ses États sans une autorisation toute Spéciale. Mirabeau, dans la lettre qu'il adresse à son successeur, écrivait : « Donnez la liberté de s’expatrier à quiconque n’est pas retenu d'une manière légale par des obligations particulières. Ne retenez votre peuple que par un bon gouvernement ; d’ailleurs vos prohibitions ne sauraient l'empêcher de sortir de chez vous. C’est le vœu de la nature qui l’attachera seul à son pays. On ne saurait persuader à l’homme que son chef ait le droit de l’attacher à la glèbes. »

1. Zbid., v. I, p. 322-323; v. IL, p. 76.

2. Moniteur. Discours du 10 août 1789. Archives parlementaires, p.385 et 386.

3. Lettre à Frédéric-Guillaume II, p. 416 et 417. Cf. Moniteur, 15 décembre 1790, Discours sur les Mines.

4. Monarchie prussienne, v. I, p. 53, 54, 164 et 175.

5. Histoire secrète de la cour de Berlin (éd. de 1825), p. 413 et 414.