Études historiques et figures alsaciennes
ERCKMANN-CHATRIAN 211
raconte une histoire des plus invraisemblables, dont il prétend avoir été témoin. Laissons là l'histoire, et ne voyons que le lieu où elle se passe, et qui vaut qu’on s’y arrête.
« Au bon temps de la jeunesse, dit Théodore, quand le ciel paraît plus bleu, le feuillage plus vert, l'eau des torrents plus fougueuse et plus sonore, l'eau des lacs plus calme et plus limpide..., alors je ne savais pas raisonner mes impressions ; j'acceptais le bonheur sous toutes ses formes sans le discuter ; tout était doué de vie et de sentiment pour moi, la pierre, l'arbre, la mousse, les fleurs. Et si quelque vieux chêne, au détour du chemin, m'avait adressé la parole, je n'en aurais pas été trop surpris. — Monseigneur le chêne, me serais-je .écrié, Théodore Richter, peintre de paysage, vous salue. Il voit avec plaisir que vous avez daigné rompre en sa faveur votre long silence. Causons de la sublime nature, notre mère à tous ; vous devez avoir fait provision d'idées sur cette matière importänte. Que pensez-vous de l'âme universelle, Monseigneur le chêne ?
« Un matin, j'avais quitté mon hôtellerie bien avant le jour... Me voilà en route dans fa nuit, ma petite veste de chasse serrée aux hanches, le sac bouclé aux épaules et le bâton au poing. J'allais d'un bon pas. Vers cinq heures, je débouchais dans une gorge étroite, sinueuse, qu'on devrait appeler la gorge des bergeronnettes, car ce petit oiseau gris d’ardoise, à tête noire et à longue queue blanche, y abonde.
« Ceux qui, durant leur jeunesse, ont eu le bon-