Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE COMTE DE CASTELLANE 245

un jour d’une clarté singulière sur l'état d'esprit des gentilshommes démocrates à cette époque.

Mon aïeul avait épousé, en 1784, Mie Chabot de Jarnac (1), — de la famille de Chabot, laquelle, originaire du Poitou et établie en Bretagne, n'avait aucun motif de rejeter ce que l’on appelait la superstition. — Le comte de Castellane était lui-même le propre neveu d’un prélat d’une vertu peu commune (2). Et pourtant le libre arbitre semble si sacré à ce ménage dont le chef s’est fait le champion de la liberté de conscience, que père et mère se décidentà élever leur fils sans une foi précise plutôt que de le contraindre à des croyances qu'il n’aurait point choisies.

« IL est dans l’âge, écrit M*° de Castellane (1792), où ordinairement déjà on apprend les prières aux enfants et quelquefois des cathéchismes. Mais ce temps est encore bien loin pour lui... Comment lui dire : il ya un Dieu ? J’attendrai qu'il me le demande, et pour lui en faire naître la curiosité, j'ai recommandé à sa bonne de lui faire dire chaque matin : Mon Dieu, conservez papa et maman. »

Et plus loin :

« Vers neuf ou dix ans, je crois qu’il sera temps de

(1) « Contrat de mariage de M. le comte de Castellane avec Mie Chabot de Jarnac. Fait et passé à Paris, en l’hôtel du seigneur de Castellane, le 11 décembre 1784, et ont les parties signé la minute des présentes demeurée à M. de la Rue, l’un des notaires soussignés . »

» Signé : DRUGEON, DE LA RUE. »

(2) Armand de Castellane, évêque de Mende, massacré à Versailles en 1792, en cherchant à calmer une effervescence populaire ;