Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

38 GOUVERNEUR MORRIS

ment au despotisme et sera diminuée par l'adoption d'un meilleur gouvernement. Je le presse, dans la grande division des partis, à s'attacher à celui du roi, le seul qui puisse prendre le dessus sans danger pour le peuple !. »

Ce qu'il répète aux Français il le dit aussi à ses compatriotes, à M. Short par exemple, à qui il écrit le 26 juillet 1790 : « L'observation que vous avez faite sur la conduite dissolue des fédérés, je l'ai faite depuis longtemps sur la nation entière. Il faut le solide estomac de la monarchie pour digérer des mœurs si gâtées. Quant à l'amour instinctif de ses princes, dont vous parlez, il est, en effet, instinctif et l’animal ne se débarrassera jamais de son instinct. Le Français vous dira que ses compalrioles ont des têtes exallées et leurs manières, habitudes et idées sont toutes à l'avenant. Un Français aime son roi, comme il aime sa maitresse, à la folie, parce qu’il considère comme grand et noble d'être fou. Puis il abandonne à la fois l’un et l’autre d’une façon ignoble, parce qu'il ne peut pas supporter plus longtemps l’action du sentiment qu'il s'est suggéré à lui-même de ressentir ?. »

Dès le mois de novembre 1789 il croit pouvoir constater de nouveau la fidélité monarchique des provinces : « Rendu visite à Mme de Chastellux... La duchesse (d'Orléans) arrive ainsi que le Maréchal de Ségur. Il medit qu'un changement soudain s’est produit en Bretagne ; la noblesse etle peuple sont unis et veulent rejeter les actes de l’Assemblée. M. de Thiard nous avait dit que quelque chose de semblable arriverait. Les Cambrésiens (Cambrises?) sont également mécontents. De là allé au Louvre. Mme (de Flahaut) est au lit. L'évèque (d’Autun) arrive ; il pose sa canne etson chapeau et prend un fauteuil de l'air d’un homme déterminé à rester. IL confirme les nouvelles de Bretagne et dit que du côté du Cauchois le ciel s’assombrit. Cela me remet à l'esprit quelques sombres insinuations que m'a communiquées le comte de Luxembourg au sujet de la Normandie. Je lui dis en réponse à ses appréhensions, quant au démembrement du royaume, que, si la Normandie, la Picardie, les Flandres, la Champagne et

1. TE, p. 169. — 2. T. I, p. 358.