Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

x 5o GOUVERNEUR MORRIS

et il me le rapporte. Il est assez drôle de recevoir « Le portier « des chartreux » des mains d’un révérend Père en Dieu !. » Ce n’est pas non plus la seule fois qu'il se plait à de pareilles lectures. Le Journal porte encore (10 octobre 1789): « Je rends visite à Mme de Flahaut, qui me laisse lisant « La Pucelle » et sort dans ma voiture ?. »

La société de ces femmes élégantes enchante Morris. Il goûte leur conversation et leurs manières raflinées, et leurs charmes pe le laissent point insensible. Le Journal, dans sa complète sincérité, nous laisse, par moments, entrevoir ses espérances et aussi ses désillusions. Telle l’histoire des billets doux et anonymes qu'il reçoit d’une inconnue, et dont il ne peut découvrir l’auteur *. Souvent les coquettes le provoquent : « Je fais visite au Louvre où Mme de Nadaillac soupe pour me voir. C’est une aristocrate oulrée et elle a entendu dire que j'étais de sa secte. Elle est dans l'erreur. Elle est jolie et a beaucoup d’esprit. Sa tante, Mme de Flahaut, me dit qu’elle est vertueuse, coquette et romantique. Nous verrons *. » Parfois il n°y a pas moyen de s’y tromper : « Comme j'étais assis un soir au Palais-Royal, buvant de la limonade et du thé, le garçon vient me dire qu'il y a dehors deux dames qui désirent me parler. Il se trouve que ce sont Mme de Boursac et Mme d'Espanchall, que j'avais rencontrées déjà aux Tuileries. Un bon bout de conversation légère, triviale, dans laquelle ces dames me font savoir que leurs liens conjugaux ne restreignent en rien leur conduite, et il semblerait que l’une ou l’autre (ùt désireuse de nouer une intrigue. Comme elles ne sauraient manquer d’amants et qu'elles ne peuvent avoir aucun préjugé favorable pour moi, leur conduite évidemment a un autre motif, probablement le désir de quelques jolis cadeaux ÿ. »

Mais il faut avouer que l'Américain croit facilement que toutes les femmes sont amoureuses de lui. Voici sa première conversation avec Mme de Staël, le 26 septembre 1589. chez Mine de Tessé, à Versailles : « Après diner, Mme de Tessé lui

x T. IL, p. 18re— 3. T. I, p. 63-65, h. À, EL, p. 380. — 5. T. I, p. 85.