Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

128 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

nant de tendre et garnir le devant des maisons sur le passage de la procession de la Fête-Dieu. Que l’on défendit l’ouverture des magasins et des cabarets le dimanche, pendant l'heure des offices, rien de plus légitime; c'était une manière de faire respecter le culte sans opprimer la conscience de personne ; mais c'était empiéler sur ses droits, à notre sens, que d’imposer la cessation absolue du travail ou d’ordonner la participation à la cérémonie de la Fête-Dieu à tous, même aux non-Catholiques.

Une ordonnance de septembre 1816 allait encore plus loin ; elle prescrivait qu’à défaut de prédication régulière par le curé de la paroisse, on ferait faire par des religieux missionnaires des sermons dans les campagnes. Les abbés de Forbin-Janson et de Rauzan, chargés d'organiser ces prédications ilinérantes, les confièrent en général aux Jésuites, qui eurent le tort de mêler les revendications politiques et sectaires aux besoins légitimes du culte catholique. On sait avec quel art fut préparée la mise en scène de ces missions ; le maire et les autorités en grand costume marchant en tête, les gardes nationaux faisant escorte, les crucifix gigantesques plantés aux carrefours des routes (croix de missions). Ces missions dépassèrent le but : non contentes de réveiller le zèle religieux, elles attisèrent les haines politiques, elles provoquèrent l'explosion du fanatisme.

Plusieurs prédicateurs n'ayant pas craint de dénoncer les philosophes du xvin* siècle et les huguenots, comme auteurs des excès de 1793, on fit solennellement pénitence pour la Révolution, on organisa des autodafés des livres de Voltaire, de Rousseau, et, en plusieurs endroits, on courut sus aux juifs et aux protestants.

Ce fut contre l’Université, aussi, que la royauté, excitée par la réaction ultra-catholique, commença à sévir. N’était-ce pas une création de l’usurpateur Bonaparte, et n’était-ce pas le repaire de ces libres penseurs et de ces athées qui avaient tenté de substituer le culte de la Raison à celui du vrai Dieu ? — Les trois ordonnances du 17 février 1815 supprimèrent