Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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émeutes populaires, qui feraient couler des flots de sang (juillet 1826).

Ce mémoire, confirmé par les attestations de Dupin aîné et de 39 avocats au barreau de Paris, fut examiné séance tenante par la cour royale de Paris, toutes chambres réunies. La Cour, tout en se déclarant incompétente, établit par les considérants de son arrêté, que l'existence des Jésuites en France était interdite, tant par les arrêts du Parlement de 1762, 1764, 1777, que par la loi du 18 août 1792 et le décret du 3 messidor an XII (1804) et que, d’ailleurs, ces arrêts et lois étaient fondés sur l’incompatibilité reconnue entre les principes professés par cette société et la charte constitutionnelle.

Aussitôt après cet arrêt, l’infatigable champion des libertés gallicanes adressa à la chambre des pairs une pétition, par laquelle il confirmait sa précédente « Dénonciation » et réclamait l'application aux Jésuites des lois existantes. À la suite d’un ardent débat auquel prirent part, d’un côté le vicomte de Bonald, ME Frayssinous, le duc de Fitz-James, et de l’autre Pasquier et Lainé, la chambre, adoptant la conclusion de Portalis, rapporteur de la commission chargée d'examiner la pétition, refusa d’ordonner des poursuites, mais se prononça par 113 voix contre 73, contre l'ordre des Jésuites et renvoya la pétition au gouvernement.

Cette décision nous paraît plus conforme au principe de la liberté religieuse que n'étaient les arrêts du Parlement de Paris, en 1762 et 1764. — En effet, il y avait deux principes en cause : la liberté de conscience de certains moines catholiques, quel que fût leur nom, et la question de savoir si une société secrète, qui était connue pour son intolérance et ses

intrigues politiques pouvait, ou non, être tolérée, sans inconvénient pour la paix publique. En tant que religieux, la liberté des cultes voulait qu’on respectät les Jésuites, leurs exercices et leurs cérémonies; mais en tant que société politique employant tous les moyens pour combattre ses adversaires, cette même liberté exigeait qu'on les démasquät et qu'on les dispersät.