Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

168 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

de 1830. Le 7 mai 1831, Lacordaire, Montalembert et M. De Coux après avoir donné avis au public et au commissaire de police, ouvrirent une école libre, dans le quartier Saint-Sulpice. Cela était en contradiction formelle avec la législation existante. Le ministre de l’intérieur — alors Casimir Périer — poursuivit les auteurs et, comme l’un d’eux était pair de France, le procès eut lieu devant la chambre des pairs. C’est alors que Montalembert fit ses débuts à la tribune, et attira sur lui l'attention, par son talent, autant que par la hardiesse de ses idées. La loi était formelle : les trois prévenus furent condamnés à cent francs d'amende. Mais, cette défaite équivalait à un triomphe. Elle avait posé la question de la liberté d'enseignement.

La loi du 28 juin 1833, présentée par M. Guizot, y fit une première réponse : elle accordait la liberté de l'instruction primaire. En effet, d’après l’article IV : « Tout individu, âgé « de 18 ans, pouvait exercer la profession d’instituteur pri« maire et diriger un établissement quelconque d'instruction « primaire, sans autres conditions qu'un brevet de capa« cité et un certificat de moralité ». — Comme, d'autre part, on n'avait pas abrogé le décret du 17 mars 1808, les Frères des écoles chrétiennes étaient brevetés d'office et admis à tenir des écoles communales. Il est vrai, pour des écoles primaires et privées de jeunes filles, on exigeait l'autorisation du recteur de l’Académie (art. IV et VIT de la loi du 23 juin 1836) ; mais, par l’article XITE, les institutrices appartenant à une congrégation religieuse, dont les statuts étaient approuvés, pouvaient l'obtenir sur le vu de leur lettre d’obédience. D'ailleurs, la loi de 1833 donnait le premier rang, sur le programme des matières enseignées à l’école primaire, à l’instruction morale et religieuse (art. D) et, dans les communes, dont la population était répartie entre différents cultes reconnus par l'État, assignait des places au curé

1. Discours de Montalembert, Paris, 1860, 1er vol. Discours du 20 septembre 1831.