Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

178 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

pour y desservir l'église. Celui-ci n'ayant pas donné suite, un notable nombre d'habitants invitèrent M. N. Roussel, ancien pasteur à Marseille, à y célébrer le culte protestant. Celui-ci trouva un local et demanda l'autorisation au maire qui refusa. Le pasteur passa outre el fut traduit devant le tribunal de police correctionnelle de Mantes, qui le condamna à une amende. M. Roussel en appela au tribunal de Versailles qui confirma le jugement (23 février 1843), malgré une belle plaidoirie d'Odilon Barrot. On verra par sa péroraison à quelle hauteur le célèbre champion du parti libéral sut élever cette cause: « Que le prosélytisme religieux s'exerce libre« ment dans la société, pourquoi vous en effrayer? Est-ce « que la liberté religieuse n’a pas, elle aussi, besoin de « s'étendre ? Si elle s'égare, avertissez-la, faites-la rentrer dans « ses voies légitimes, appelez-en au Concordat. Mais je vous « enconjure, ne faites pas intervenir l'autorité municipale du « premier degré pour défendre un culte contre les envahis« sements d’un autre culte. » Le pasteur Roussel se pourvut devant la cour de cassation qui, à la suite d’une plaidoirie de M. Jules Delaborde, rejeta le pourvoi en se fondant sur les articles bien connus du Code pénal et de la loi de 183/ (arrêt du 22 avril). Il y avait évidemment là un pas rétrograde, comme le fit justement remarquer M. François Delessert, alors député de Paris, dans une lettre adressée aux journaux.

A la Chambre des députés (séances du 19 mars et du 20 avril 1844) MM. le comte d’Haussonville et A. de Gasparin plaidèrent la cause de la liberté entière de culte pour les dissidents protestants. MM. La Farelle, député du Gard, et Odilon Barrot soutinrent la thèse d’une liberté limitée aux agents des cultes reconnus par l'État et pourvus d’une délégation d'un consistoire. La pétition, par 16 voix de majorité, fut renvoyée au ministre des cultes. Lamartine, dans des articles et brochures, constatait que ni l’État, ni l’Église, ni les catholiques, ni les dissidents n'étaient dans la vraie liberté”.

1. V. Le Semeur du 29 nov. et du 6 déc. 1843.