Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

180 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

prononcèrent pour la pleine liberté des cultes et rappelèrent à M. Barthe, ancien ministre, l'exception formelle qu’il avait admise en faveur de ces derniers lors du vote de la loï de 1834. Mais ce fut au duc Victor de Broglie que revint l’honneur de défendre la liberté de conscience le plus logiquement : « Il résulte, dit-il, de la jurisprudence actuelle de la cour de «cassation qu'aujourd'hui un culte ne peut exister : 1° s’il n’est « établi par la loi ou autorisé par J'administration ; 2° qu'il « ne peut s'exercer quelque part sans la permission de l’au« torité municipale. Or, un tel état de choses est incompa« tible avec l’article V de la Charte ; car les idées de liberté « et de prévention s’excluent mutuellement. Tant qu'il en « sera ainsi, la liberté des cultes n’existera qu’à l’état de pro« messe’. »

Il est enfin une minorité religieuse qui, par sa sagesse, son esprit de solidarité et le concours qu’elle donnait à toutes les causes libérales et philanthropiques, mérita la bienveillance de la monarchie de Juillet, ce sont les Israélites. En 1839, à la suite d’une plaidoirie de M. Ad. Crémieux pour un rabbin d'Alsace, Isidore, le gouvernement abolissait le serment 70re judaïco, vestige de l'intolérance du moyen âge. Par une ordonnance royale du 25 mai 1844, ils furent dotés d'une organisation analogue à celle des Églises protestantes. Les vingt-quatre communautés juives de province furent conslituées en paroisses, groupées autour de neuf consistoires. Ces consistoires, à leur tour, furent subordonnés à un consistoire central à Paris, présidé par le grand rabbin de France. Par là, le ministre Martin du Nord effaça les dernières traces de servitude et d'exclusion, dans lesquelles avaient gémi pendant des siècles les descendants du peuple élu. Cette mesure fut approuvée par Lamartine, mais blâmée par Montalembert.

>) Liberté d'enseignement. — La charte de 1830 avait

1. Au premier rang des défenseurs de l'entière liberté des cultes était le due Victor de Broglie. V. son discours à la Chambre des Pairs (11 mal 1843) pour appuyer la pétition du Consistoire de Niort contre l’application de la loi de 1834 aux réunions de prière. (OÆEuvres, t. II, p. 14).