Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

1094 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

« des résultats de l’expérience évidents, la société de Jésus « reconnaît-elle l'expérience? Admet-elle que le libre examen « puisse subsister à côté du pouvoir? Si oui, qu'ils viennent « prendre leur place parmi nous, libres et soumis à la libre « concurrence de tous les citoyens! Sinon, si l’idée de la « lutte contre le libre examen et le libre contrôle des pou« voirs publics n’est pas encore sortie de leur esprit, ils apprendront qu'ils se trompent aujourd'hui, comme il y « a trois siècles, et ils seront battus de nos jours, comme

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« ils l'ont déjà été! »

Que les Jésuites reconnussent les libertés modernes, c'était évidemment la meilleure solution, car elle respectait l’indépendance de la conscience et sauvegardait le principe du gouvernement constitutionel. Mais les Jésuites et leurs organes se tinrent cois et, dès lors, il n’y avait plus qu'à leur appliquer les lois. Le ministre des cultes accepta l’ordre du jour proposé par Thiers, à condition qu'on laissât le cabinet libre de choisir ses moyens, etla motion fut votée à une forte majorité.

Mais M. Guizot voulut éviter jusqu'à l'apparence du rôle de persécuteur en appliquant rigoureusement les lois et il préféra obtenir la soumission des Jésuites de l'autorité du Pape. Il chargea de cette mission M. Rossi, un professeur de droit d'origine italienne et, après moins de deux mois de négociation où ce dernier déploya autant de finesse que de patience, voici la décision que Grégoire XVI prit à cet égard : la congrégation des Jésuites se disperserait d'elle-même. Ses novi-

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ciats en France seraient dissous et il ne resterait dans ses maisons que les ecclésiastiques nécessaires pour les garder, vivant comme prêtres ordinaires. On laissa aux Jésuites le mérite de cette soumission et, en effet, ils fermèrent trois maisons professes et deux noviciats importants (Laval et Saint-Acheul), mais on en toléra une vingtaine de plus petits. Cela procura la paix, mais ce n'était qu'un arrangement provisoire ; l’intransigeance des Jésuites sur la question de principe, posée par Guizot, et celle de la majorité de la Ch ambre avaient fait écarter la solution vraiment conforme à la liberté de conscience.