Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

196 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

leur qualité de français et ces réclamations avaient fourni l’occasion d'intervenir au capitaine Dupetit-Thouars, qui avait mission d'établir une station navale aux îles Marquises, et là seulement. A la fin d'août 1842, il s'était rendu, z7otu proprio, à Tahiti, avait exigé une réparation pécuniaire (10 000 francs) pour le dommage causé aux Français et, par des moyens comminatoires, avait extorqué à la Reine Pomaré la demande du protectorat royal. La Reine, sous le coup de la peur, avait signé un traité qui, en lui réservant la souveraineté intérieure des îles Tahiti, remettait au roi des Français la direction des affaires étrangères et qui sauvegardait d’ailleurs le libre exercice de tous les cultes (9 septembre 1842). Quatre mois après, une fois les vaisseaux de guerre partis, la Reine convoqua une assemblée générale de son peuple et protesta contre la violence qui lui avait été faite.

Tels étaient les faits et l’on comprend l'émotion qu'ils produisirent À Paris, comme à Londres. Néanmoins, la parole du Roi avait été engagée; la chambre des députés, sur un discours rassurant de Guizot', vota les crédits demandés pour assurer l'exercice de notre protectorat.

La question fut de nouveau portée devant le Parlement deux ans plus tard, à la session de 1845. Dans l'intervalle, le contre-amiral Dupetit-Thouars, toujours sans instructions de Paris, avait déclaré rompu le traité du 9 septembre 1842 et changé le protectorat en annexion de Tahiti. De là une guerre de deux ans contre les indigènes, qui avait causé de grandes pertes aux missions protestantes. M. Guizot, compromis par cet excès de zèle de nos marins, avait désavoué l'annexion et fait rétablir le traité de protectorat; mais le gouvernement anglais, ému par l'inquiétude de la Société des missions de Londres et indigné de la manière dont on avait traité le consul Pritchard qui avait été expulsé, réclamait pour cel outrage une ample réparation. Les rapports entre la France et l'Angleterre avaient été à un moment si tendus qu’on

1. V. Mémoires, VIL p. Go-6r.