Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

210 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

compromis que Montalembert dans les luttes parlementaires. Il savait tempérer son zèle de fils de l'Église par une certaine tolérance pour les dissidents et beaucoup d’opportunisme. Il commença par retirer sans bruit le projet de loi Carnot, qui maintenait la prépondérance de l'Université', et, après avoir confié à deux commissions extra-parlementaires (3 janvier 1849) le soin d'en rédiger un autre, se tint col.

Ces commissions, bientôt fondues en une seule, composée de 24 membres, ne comptaient que quatre ou cinq universitaires et une majorité d'hommes favorables aux intérêts catholiques. M. Thiers, vice-président, y joua le principal rôle avec le comte de Montalembert, MM. de Riancey et l'abbé Dupanloup*. Mais Thiers n’était plus ce défenseur des droits de l’Université et de l'État, qui, en 1844 et 1845, avait renchéri sur les garanties demandées par Villemain et provoqué l'exclusion des Jésuites de l’enseignement. Il était très effrayé de la licence des clubs, des tentatives socialistes. Il le fut bien davantage après les journées de juin et pensa que l'alliance de l'Église et de l’Université, qui représentaient la religion et la philosophie, « ces deux sœurs immortelles », n'était pas de trop pour raffermir les bases ébranlées de la société. Victor Cousin, qui partageait ses craintes, était prêt aussi à faire la paix avec l'Église, au prix des plus graves concessions. Montalembert et ses amis, d’autre part, comprirent qu'il serait imprudent de vouloir aller trop vite et qu'il était plus habile de s'emparer de la direction de lUniversité en y pénétrant, qu'en la détruisant du dehors.

Le projet de loï, conçu par M. de Falloux et rédigé par cette commission, s’inspira de ces idées de conservation sociale, revêtues d’un masque de liberté religieuse. L'ancien Conseil royal de l'Université était remplacé par un Conseil supérieur

1. V. les rapports de Barthélemy-Saint-Hilaire et de Jules Simon sur le projet Carnot, au nom des commissions nommées par l’Assemblée

constituante. 9. L'influence de M. de Falloux réussit à en écarter L. Veuillot, qui

ne le lui pardonna pas.