Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

228 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

conscience religieuse des enfants, qu'il avait accusé naguère l'Université de violer chez les catholiques. Le souci du prosélytisme l’emportait sur toute autre considération‘.

Si nous venons à l’enseignement primaire, là aussi nous voyons que la liberté n’était laissée qu'aux écoles congréganistes. Les instituteurs, dont on avait expulsé un bon nombre comme suspects de socialisme, étaient bäillonnés par la main des préfets (loi du 14 juin 1854) et réduits à se faire les «factotum » des curés pour obtenir la moindre faveur.Lesécoles protestantes, ouvertes récemment par la Société évangélique où par la Société pour l’encouragement de l'instruction primaire, étaient fermées ou subissaient des entraves de la part des préfets; on en avait fermé huit dans un seul département, au point que M. Guizot, en général très réservé, crut devoir protester dans un discours public?. Quant aux écoles primaires publiques, tenues par les « Frères de la doctrine chrétienne » et les sœurs de divers ordres, elles avaient pullulé, grâce aux facilités que leur donnait la loi du 27 mars 1850; en 1863 elles se montaient au chiffre de 3 038 et, en outre, dans leurs écoles libres, ils rassemblaient près de la moitié de la population scolaire des écoles publiques.

$ 6. — Ce prodigieux accroissement des écoles congréganistes tenait aussi à la facilité que le décret-loi du 3r janvier 1852 avait donnée aux sociétés religieuses pour se former”.

On avait autorisé les pères Pétetot et Gratry à réorganiser la Congrégation de l'Oratoire pour l'enseignement supérieur

1. On peut rapprocher cette consultation de Met Parisis de la déclaration, que fit un chanoïne de Saint-Jean, de Latran, au sujet du jeune Edgar Mortara, enlevé à ses parents israélites par l’archevéque de Bologne, sous prétexte qu'il avait été baptisé par les soins de sa nourrice catholique. « On a beaucoup parlé des droits du père, ditl, de la nature à propos de « l'enlèvement de l'enfant ; mais les droits divins, les droits surnaturels « priment ceux du père, de la famille. Un enfant baptisé est notre « chose. » N. L'Univers israélite, juillet 1862.

2. Discours prononcé à l’Assemblée annuelle de la Société d'instruction primaire (v. Lien, 28 avril 1855). :

3. Il y avait, en 1861, vingt-trois congrégations d'hommes autorisées et 49 non autorisées. Les principales autorisées étaient les Lazaristes, les Pères du Saint-Esprit, les Missions étrangères.