Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU'À L'ÉDIT DE TOLÉRANCE 71

intéressante (1756) tourne en ridicule le projet de ramener tous les hérétiques dans le giron de l'Église. L'abbé de Caveirac ‘répondit à la Lettre d'un patriote dans un 3° ouvrage. Il y faisait PApologie de Louis XIV et de son Conseil sur la révocation de l'Édit de Nantes (1758), en exagérant tous les maux causés à la France par la Réforme.

Cependant, le mouvement de réaction contre les Jésuites, né en Portugal et en Espagne, berceau de la célèbre compagnie, avait gagné la France. La faillite du père La Vallette et le refus du provincial de l’ordre en France, de payer ses dettes envers les négociants de Marseille, fournirent l’occasion de faire leur procès devant le Parlement de Paris. Soutenus par l'opinion publique, la plupart des Parlements de France les condamnèrent et ordonnèrent la fermeture de leurs collèges (1762). Cette mesure favorisa le progrès des idées de tolérance et de liberté religieuse, dont ils avaient toujours été les plus redoutables adversaires. — Mais cette proscriplion des Jésuites n’était-elle pas à son tour une atteinte à la liberté de conscience? Est-il permis, au nom de cette liberté, d’exclure du droit commun les ennemis déclarés de la tolérance? Non, s'il s’agit d'individus ou d’agrégations se consacrant exclusivement à la piété ou à l'éducation. Mais, si une association sous couleur de religion se mêle de politique ou pervertit la morale, le pouvoir civil a le droit de la réprimer et au besoin de la supprimer, comme Richelieu avait fait pour l’organisation politique des huguenots._

Les écrivains qui représentaient l'opinion publique au xvuut siècle furent en général de cet avis et approuvèrent et réclamèrent en même temps la tolérance et l’exclusion des Jésuites.

Rousseau, dans son Contrat social, allait déduire les corollaires logiques du faux principe de Montesquieu signalé plus haut. Comment résoudre ce délicat problème des rapports de l'Église et de l'État, sans se heurter à ces deux écueils :

l'élimination de toute religion ou la tyrannie d’une religion