Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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avait eus pour le royaume: la multiplicité des mariages et des naissances illégitimes, l'accroissement du nombre des émigrés, surtout dans les colonies anglaises d'Amérique. Il montrait enfin, dans une éloquente péroraison, que ces protestants mis hors la loi ne méritaient pas une telle rigueur.

Le clergé ne fut pas touché de cet éloquent appel et l'abbé de Caveirac se chargea d'exposer les Sentimenits des catholigues sur le Mémoire au sujet des mariages clandestins des protestants (1576). Il essaya de prouver dans son livre que les causes de la révocation de l'Édit de Nantes ont été plus politiques que religieuses et, d’ailleurs, qu’elle n’a pas été inutile, puisqu'elle a fait baisser le nombre des protestants en France de 2 millions à 400,000.

Antoine Court lui répondit, dans sa Lettre d'un patriote sur la tolérance civile des protestants de France et sur les avantages qui en résulteraient pour le royaume (1756). Il insislait sur les dommages causés par l’'émigration de un à deux millions de Français et réclamait pour les Réformés la liberté du culte public et une forme de mariage qui ne blessät point leur conscience.

La réplique ne se fit pas attendre; l’année suivante parut la Dissertation sur la tolérance des protestants, qui combattait la thèse de Court par la raison suivante. Si l’on accorde la tolérance aux protestants, il faudra l’accorder à toutes les religions du monde, car les mêmes arguments peuvent être invoqués en faveur de ces dernières. Et l’auteur concluait d’une façon assez inattendue en déclarant que les juifs avaient plus de titres à la tolérance que les protestants, car la religion des juifs avait été établie par Dieu même, tandis que celle des hérétiques était l'œuvre du démon, et « ils sont les frères de Jésus-Christ, selon la chair, « et le peuple le plus illustre et respectable de la terre ».

La réfutation de ces brochures intolérantes fut donnée avec esprit par l'abbé Morellet. Celui-ci, dans un opuscule, qui porte ce litre modeste Petite brochure sur une matière