Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 491

l'on voit bien que M. Cabanis, en écrivant ce petit ouvrage, ne fait que séntir et se ressouvenir. M. Chénier a lu ensuite quelques strophes d’une ode sur la mort de notre Démosthène. Pendant ces diverses lectures nous avions sous les yeux, d'un côté, le buste du personnage qui en faisait le sujet, et de l’autre, son portrait, tous deux d’une parfaite ressemblance. Nous entendimes ensuite une musique lugubre, dont les accents déchirants remplirent d'effroi tous les cœurs. Ce fut ainsi que se termina cette soirée de tristesse. » La province ne se montra pas moins pénétrée que la capitale du douloureux événement qui venait de s'accomplir. M. Géraud écrivait à son fils :

Bordeaux, 12 avril 4791

«Be grand Mirabeau couvre de deuil toute la France. Sous l’ancien régime, nos âmes abêties n'eussent pas ainsi senti la perte de cet homme célèbre, tant il est vrai qu'il n'est donné qu'aux peuples libres et éclairés de bien apprécier les talents. Notre municipalité, nos tribunaux, nos corps administratifs, tous les citoyens sont en deuil. On a fait à la cathédrale un service pompeux. Les amis de la Constitution lui en ont décerné un aux jacobins qui ne l'était pas moins. Leur tribune retentit tous les jours des talents du grand homme et des regrets de sa perte. Si c'eût été un homme ordinaire, on ne se souviendrait que de ses vices, Car on ne peut pas dire que Mirabeau ait