Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

60 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

pour varier leurs plaisirs, de voyager par eau. Ils vont donc, dès 8 heures du matin, au Pont-Royal et montent sur la galiote qui fait régulièrement le service de Saint-Cloud et qui, les dimanches et jours de fête, transporte les Parisiens à la campagne pour une somme des plus modiques. Cette galiote, appelée aussi coche d’eau, est un grand bateau couvert qui contient, tant dans l'intérieur que sur le pont, environ 400 personnes. Après deux heures de navigation des plus heureuses, nos deux voyageurs arrivent au pont de Sèvres, où ils débarquent.

« Nous fûmes par eau à Saint-Cloud dimanche dernier, écrit Edmond; la Seine, à certains endroits, est des plus périlleuses à traverser à gué; ici elle n'a qu'un pied de profondeur, à deux pas de là elle en a soixante. Nous comptions y trouver le Roi, mais le Restaurateur de la liberté française était retourné dès le matin à Paris, afin d’apaiser les injustes soupçons qui s'élevaient déjà dans le cœur de ses enfants. Qu'avaient-ils à craindre? Quand même le roi des Français eût formé l’insensé projet de les abandonner, comment l’aurait-il fait? L'infatigable M. de Lafayette était à ses côtés, il était entouré d’ailleurs d'une petite troupe de ses concitoyens; non, l'idée de les abandonner n’entra jamais dans le cœur de Louis XVI.

« Nous vimes jouer les eaux du parc. Dès que j'aperçus la cascade, mon premier cri fut celui de la plus vive admiration; cependant, peu après, elle me