L'année de la peur à Tulle
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Ce qu'ils n’ont eu garde de dire non plus, c’est qu'ils ont fait feu les premiers sur le peuple en un autre endroit, sans qu’il ait été question en aucune manière de la loi marliale, et qu’ils ont cherché à l'amuser par de fausses caresses et des invitations à boire jusqu’au moment où ils ont été assez forts pour l’attaquer avec plus de sûreté.
Mais de tous les désastres qui affligent notre malheureuse province, le plus cruel de tous aux yeux des bons citoyens est de voir que le triomphe de l'aristocratie est consacré de la manière la plus effrayante par le tribunal prévôtal de la ville de Tulle. De soixante infortunés qui ont été traînés dans ses prisons, deux ont déjà subi une mort ignominieuse, d’autres ont été condamnés par contumace, d’autres fouettés et marqués ; et nous apprenons que ce tribunal se prépare à renouveller ces scènes d'horreur une fois chaque semaine, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de victimes.
Dans cette ville, pour justifier de pareilles barbaries, on fait courir le bruit que l’Assemblée nationale a envoyé des ordres secrets pour presser les jugements et les exécutions des sentences, comme ei l'Assemblée nationale pouvait démentir le caractère de justice qu’elle a manifesté dans toutes les occasions, par la publicité de ses opérations, et dans un moment où elle vient de décréter la publicité de la procédure criminelle.
Qui sont cependant ces infortunés qu’on immole ainsi au ressentiment des riches privilégiés ? On croira peut-être que ce sont des vagabonds et de mauvais sujets ; non, Monsieur, ce sont pour la plupart des pères de famille, petits propriétaires, aimés et estimés dans leur canton. Un surtout, de ceux qui sont dans l'attente de leur sort (M. Durieu), est notre camarade (nous nous faisons gloire de l'avouer), et membre de la garde nationale de Brive, qui le reconnait comme un des plus zélés et des plus braves citoyens qu’elle renferme dans son sein.
Veuillez, Monsieur, en rendant publique cette lettre, faire connaître les sentiments de douleur dont sont navrés tous les bons citoyens de notre province et en particulier les soussignés :
SERRE jeune, député extraordinaire de la commune de Brive.