L'atomisme d'Épicure

ne peuvent être conçus par l'esprit. Que c’est bien possible, Epicure le démontre par le fait que des aveugles-nés reconnaissent au toucher les objets dont ils ne voient pas la couleur, et que les hommes possédant la vue ne sentent pas si un objet qu'ils touchent dans les ténèbres est coloré. D'après Epicure l'impression de la couleur est aussi un contact, à savoir celui de la pupille. Comme il n’y a pas de couleur sans lumière, et comme les atomes n'apparaissent pas à la lumière, ils doivent être incolores (x). Puisque chaque couleur peut se changer en toute autre, les atomes changeraient aussi pendant la transformation des couleurs. Cependant cela est impossible, car dans ce cas les atomes ne seraient plus immuables (2). Nous trouvons encore une preuve pour la même thèse. Plus on divise un corps coloré, plus sa couleur s'éteint. On voit donc que les particules de la matière se dépouillent de leurs couleurs, même avant d'être réduits aux atomes (3). De tout cela notre philosophe déduit la conséquence générale que les atomes incolores aux formes différentes, infinis en nombre, par leurs combinaisons, leurs positions et leurs mouvements produisent toutes les couleurs (4). Mais il est aussi plus facile d'expliquer les couleurs, si on admet les atomes incolores. Car la blancheur sera plus aisément produite par les atomes incolores que par des atomes noirs ou d’une autre couleur opposée (5). |

La couleur n’est pas la seule qualité dont les atomes sont dépourvus ; ils ne possèdent aucune qualité sensible, ni température, ni son, ni goût, ni odeur. Bref, rien de ce qui est périssable ne peut être attribué aux atomes, si on veut donner à la nature des fondements éternels (6).

(4) C£. De R. N. 810-825; Plut. Adu. Col. 7, 4110 C.

(2) De R. N. IT, 749-756.

(3) Ibid. IT, 826-855.

(4) Cf Ibid. I, 757-187, où Lucrèce cite comme exemple la mer, dont les nuances ne pourraient être expliquées, si on croyait que les atomes dont elle est composée possèdent une seule couleur ou qu'ils sont diversement colorés. Dans ce dernier cas on distinguerait dans la mer des cou-

leurs différentes, la variété des couleurs des atomes ne pouvant donner l'unité de teinte totale.

(D) Ibid. IT, 788-794. (6) lbid. II, 842-864.