La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 47

métaphysiciens avaient suivi cette méthode, nous en saurions davantage, et ils n'eussent pas décrié la science à force de nous ennuyer. Ne trouvez-vous pas qu’en général ces métaphysiciens (je parle des plus désintéressés) ont été, parmi les hommes qui se mêlent de penser bien ou mal, à peu près comme les Encyclopédistes parmi les Sectaires ? C'est la même obscurité et le même galimatias; la même aptitude à expliquer tout ce qui est inexplicable, la même suffisance, et, pour que le parallèle soit accompli, la même animosité. La plupart de leurs livres ne contiennent que des mots vides de sens; si vous y trouvez des choses, elles seront éparses comme lés arbres dans le désert, et toujours offusquées par les mots comme ces tiges isolées le sont pardes monceaux de sable. Nos plus beaux discours de métaphysique ont fait de la machine humaine un composé si impertinent qu'il m'a semblé plusieurs fois, à moi indigne, que je l'aurais mieux arrangé si j'eusse entré pour quelque chose dans sa création. Je ressemblais à ce roi Alphonse qui, excédé de la multitude de cercles dont les astronomes de son temps entortillaient le sysième des cieux, leur disait bonnement que si le Créateur avait daigné le consulter, il'lui aurait indiqué une méthode fort simple et plus courte. Dieu merci, vous avez remis les choses à leur place: tout a repris la simplicité native; nous voilà tels que nous sommes, des êtres dont les ressorts sont fort simples, mais dont l'Éternel ouvrier ne nous découvyrira jamais le secret. Leibnitz a trouvé que c'était üne entéléchie, et certainement on ne pouvait rien imaginer de plus clair.

Pourquoi la nature n’a-t-elle doué que le plus petit nombre d'une heureuse organisation? Pourquoi en voit-on si peu comme celte admirable fille dont vous faites l'éloge avec tant de vérité? Je sens tout le prix de la confiance que vous m'accordez à son égard; cet éloge est un plaisir de plus que vous m'avéz fait savourer, puisque j'ai vu appeler sous les traits d'Uranie. Je ne sais pas si la nature, quand elle a tout fait pour nous, doit nous trouver ingrats; mais si j'avais fait l'ouvrage