La France sous le Consulat

6 LA FRANCE SOUS LE CONSULAT

que l'opinion générale désignait pour être le législateur de la République. Les espérances qu'on fondait sur la production de ses idées politiques étaient d'autant plus vives que les hommes de ce temps-là, sous l'influence de la philosophie du xvur° siècle, attribuaient à un système de formules abstraites la vertu de tirer la France de l'anarchie où elle se débattait. Le long silence de Siéyès, qui était autant l'effet des circonstances que du peu de fécondité de cet esprit plus vide que profond, augmentait encore l’attente. Enfin l’oracle se décida à parler. Il exposa ses vues à Boulay (de la Meurthe), député des Cinq-Cents, qui les rédigea, puis il les développa devant les deux sections tirées des deux commissions législatives.

Outre les renseignements laissés par Boulay (de la Meurthe), Mignet, dans son Histoire de la Révolution francaise ‘, nous à transmis un curieux tableau de la constitution de Siéyès qui lui avait été communiqué par Daunou, alors membre de la commission des Cinq-Cents. C’est une représentation géométrique, une sorte d'épure de l’édifice dans lequel Siéyès se flattait d'emprisonner cet organisme sans cesse transformé qu'est une société humaine. Nous ne nous attarderons pas à décrire ce projet bon à reléguer dans un musée à côté du chef-d'œuvre de quelque ouvrier plus ingénieux que pratique ; bornonsnous seulement à en retenir trois dispositions, dont les deux premières ont passé en partie dans la constitution, et dont la troisième, repoussée par Bonaparte, faillit provoquer une rupture éclatante entre les deux Consuls.

La première concernait le système électoral. La souveraineté était dans le peuple ; c'était le peuple qui devait directement ou indirectement commettre à toutes les fonctions : mais le peuple, qui est merveilleusement propre à distinguer

1. Mignet, Histoire de la Révolution française, tome Il, page 256, 10° édition, Paris 1869.