La France sous le Consulat

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fut le bonheur de voir disparaître une foule de petits fonctionnaires, sans capacité, auxquels les administrations d'arrondissement et de département étaient livrées depuis dix ans. Sortis presque tous des derniers rangs de la société, ils n’en étaient que plus enclins à faire sentir le poids de leur autorité. On trouva donc qu'il y avait tout à gagner à n'avoir affaire qu'à un seul représentant de l’autorité qui, pour se maintenir dans une place importante. aurait intérêt à gagner l'estime des administrés. »

Les préfets ont commencé par être les ouvriers de la réorganisation de la France. Dans une note dictée le 25 décembre 1799" à son frère Lucien, ministre de l’intérieur, le Premier Consul a marqué en termes d’une force et d’une précision admirables le point où doit porter tout l'effort de ses agents et la méthode à suivre. La base de l’œuvre de réorganisalion c'est la commune. « Chaque commune représente, en France, mille habitants. Travailler à la prospérité des trente-six mille communautés, c'est travailler au bonheur des trente-six millions d'habitants, en simplifiant la quesüon, en diminuant la difficulté. » Avant la Révolution, la commune appartenait aux seigneurs el aux prêtres. Depuis 1790, chaque municipalité est devenue, sous la protection des lois générales, une véritable personne, ayant droit de posséder, d'acquérir, de vendre et de faire, au profit de la famille municipale, tous les actes de nos codes. Le germe de la prospérité de la France était là. Mais ce germe ne s'est pas développé. « Depuis 1790, les trente-six mille communes représentent en France trente-six mille orphelines, héritières des vieux droits féodaux, filles délaissées ou pillées depuis dix ans par les tuteurs municipaux de la Convention ou du Directoire. En changeant de maires, d'adjoints, etde conseillers de commune, elles n’ont fait, en général, que changer de mode de brigandage ; on a volé le chemin vicinal, on a volé

1. Correspondance, tome VI.