La France sous le Consulat

10 LA FRANCE SOUS LE CONSULAT

aux fonctions que vous lui assignez, sera l'ombre, mais l'ombre décharnée d’un roi fainéant. Connaissez-vous un homme d’un caractère assez vil pour se complaire dans une pareille singerie ? S'il abuse de sa prérogative, vous lui donnez un pouvoir absolu. Si, par exemple, j'étais Grand Electeur, je dirais, en nommant le Consul de la guerre et celui de la paix : « Si vous faites un ministre, si vous signez un acte sans que je l’approuve, je vous destitue. » Maïs, dites-vous, le Sénat, à son tour, absorbera le Grand Electeur ; le remède est pire que le mal. Personne dans ce projet, n’a de garantie. D'un autre côté, quelle sera la situation de cesdeux premiers ministres ? L'un aura sous ses ordres les ministres de la justice, de l’intérieur, de la police, des finances, du trésor; l’autre,ceux de la marine, de la guerre, des relations extérieures. Le premier ne sera environné que de juges, d'administrateurs, de financiers, d'hommes en robes longues ; le deuxième, que d'épaulettes et d'hommes d'épée : l'un voudra de l'argent et des recrues pour ses armées, l’autre n’en voudra pas donner. Un pareil gouvernement est une création montrueuse, composée d'idées hétérogènes, qui n'offrent rien de raisonnable. C’est une grande erreur de croire que l'ombre d’une chose puisse tenir lieu de réalité '. »

Or, c'était la réalité du pouvoir que voulait Bonaparte, la réalité pleine et entière. Il cribla Le projet de Siéyès de virulentes critiques dont quelques-unes nous sont parvenues sous leur forme triviale et imagée : « Comment avez-vous pu imaginer, disait-il, qu’un homme de quelque talent et d’un peu d'honneur voulait se résigner au rôle d’un cochon à l’engrais de quelques millions ? » Siévès élabora un second projet : il ne contenta pas davantage Bonaparte qui empêcha sa discussion par les sections législatives. Laissant Siéyès bouder, puis se taire, comme il s'était tû à la Constituante après l'abolition de la dîime et à la Convention après la chûte

1. Fragment sur les consuls.

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