La France sous le Consulat

PROJET DE SIÉYES 9

originairement choisi dans la liste nationale par un magistrat suprème appelé le Proclamateur Électeur, se recrutait ensuite lui-même : il était inamovible ; il avait la faculté d’absorber dans son sein les tribuns trop remuants qui, par le fait de léur entrée dans cette assemblée, devenaient inhabiles à toute autre fonelion.

L'impuissance du Directoire avait éclairé Siéyès sur la nécessité de donner de l'unité au pouvoir exéculif, mais, d'autre part, il était hanté par la crainte du despotisme. Il crut résoudre la difficulté en créant le ProclamateurElecteur, inamovible, élu par le Jury constitutionnaire, ayant un revenu de 6 millions, une garde de 3,000 hommes et habitant le palais de Versailles. Les ambassadeurs étrangers seraient accrédités auprès de lui, il accréditerait les ambassadeurs et ministres français dans les cours étransères. Les actes du gouvernement, les lois, la justice seraient rendus en son nom. Il serait le seul représentant de la

_gloire, de là puissance et de la dignité nationales ". » Mais ce représentant fastueux du gouvernement ne pouvait gouverner lui-même. Toute son influence sur les affaires se bornait à nommer deux Consuls, l’un pour la guerre, ayant sous sa direction l’armée et les affaires étrangères, l’autre pour la paix, dirigeant toute l'administration intérieure. «A pourrait, il est vrai, destituer les Consuls et les changer; mais aussi le Jury constitutionnaire pourrait, lorsqu'il jugerait cet acte arbitraire et contraire à l'intérêt national, absorber le Grand Electeur * ». La combinaison était parfaite tant qu'il ne s'agissait que d’automates spirituels, mais, avec des hommes ayant des passions et des intérêts, elle ne tenait pas debout. C’est ce que vit clairement Bonaparte. « Le Grand Electeur, dit-il, s'il s'en üent strictement

1. Napoléon, fragment cité. 2. Id., ibid.