La France sous le Consulat

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le zèle, et laissait volontiers planer une petite terreur de détail dansl’intérieur le plus intime de son palais.

Si l'entraînement de sa conversation établissait momenlanément une aisance modérée, on apercevait tout à coup qu'il en craignait l'abus, et, par un mot dur et impérieux, il remettait à sa place, c'est-à-dire dans la crainte, celui qu'il avait accueilli et encouragé. La grâce créole, la bienveillance, la bonté, l'égalité d'humeur de M" Bonaparte ne parvenaient pas à réchauffer les esprits et les cœurs glacés par son redoutable époux : elle-même vivait à son égard dans des transes el une crainte continuelles. Il n'y avait done que « peu de dépense d'esprit » à la cour consulaire, sauf lorsque, emporté par sa verve ou aiguillonné par un contradicteur assez hardi pour lui tenir tête, Bonaparte donnant essor à son génie éblouissait son auditoire des éclairs de son imagination et de son éloquence. Ces merveilleux entretiens n'étaient, à vrai dire, qu’une série « de longs monologues ». Son interlocuteur ne servait guère qu'à lui fournir le thème de son discours ou à lui donner la réplique. La discussion lui était importune. Au bout de trois réunions d’académiciens ét de littérateurs invités sur son désir aux Tuileries, il ordonna de cesser ces invitations, déclarant « qu'il ne voyait rien à tirer de tous ces gens de lettres, qu’on ne gagnerait point à les admettre dans l'intimité". »

Le second et le troisième Consuls, Cambacérès et Lebrun. eurent aussi leurs réceptions, le mardi etle samedi : on yrencontrait le même monde que chez le Premier Consul, mais moins de militaires etfortpeu de femmes.Cambacérèsrevétait, avec une satisfaction orgueilleuse, le costume d’apparat des Consuls, l’habit rouge brodé d’or, qu'il portait avec des dentelles et l'épée. Gourmand raffiné, il avait la table la plus recherchée de Paris, dont les honneurs étaient faits par un de

1. M®° de Rémusat, passim.