La France sous le Consulat

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du duc. Dès lors Bonaparte considéra Ettenheim comme un foyer de complots contre sa vie : ses agents, entre autres le conseiller d'État Réal chargé de la police de sûreté, le confirmèrent dans cette opinion. D’autres indices, imaginés ou mal inter prétés par la police, le Conainquinens de la participation du due au dernier complot tramé contre sa personne : après l'arrestation et la déclaration de Georges, il «ne douta plus un instant que le prince attendu à Datis ne fut le due d'Enghien’. » Il résolut donc de s’en emparer et de terroriser ses adversaires « en leur montrant de quoi il était capable. »

L’enlèvement du duc d'Enghien fut résolu dans un conseil de gouvernement, tenu le 10 mars 1804, auquel assistaient, outre les trois Consuls, le Grand Juge Régnier, Fouché et Talleyrand. Ce dernier, en sa qualité de ministre des affaires étrangères, se chargea de justifier auprès du gouvernement badois, des cours de Vienne et de Pétersbourg, cette violation du droit des gens, en invoquant le salut de l'Etat qui commande de saisir partout « les instigateurs d'un crime qui, par sa nature, met hors du droit des gens tous ceux qui, manifestement, y ont pris part *. » Bonaparte régla lui-même tous les détails de l'opération. Il ordonna au général Ordener de passer le Rhin avec 300 dragons, de « se porter sur Ettenheim, de cerner la ville, d'y enlever le duc d'Enghien, Dumouriez, un colonel anglais et tout autre individu qui serait à leur suite*.. » Il chargea, en même temps, le général Caulaincourt de se rendre avec 200 dragons à Offenburg pour y arrêter des conspirateurs, de diriger des patrouilles sur Ettenheim, et de porter au duc de Bade des explications sur la violation de son territoire. Le due d'Enghien fut arrêté à Eltenheim, le 15 mars, au mo-

4. À. Sorel, Lectures historiques : le drame de Vincennes. Paris, 189%. 2. Sorel, ibid. . Correspondance, tome IX, à Berthier. 10 mars 1804.