"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

322

CHAPITRE VI.

d’Alexandre Dumas père, où l’on ressuscitait de nouveau le sinistre lord Rutliwen 1 . Du reste, cela tenait à l’époque. La révolution romantique fut précédée—etnonpas par hasard d’une vogue assez prolongée de la magie, du surnaturel monstrueux, effrayant. M me de Staël ne songeait pas qu’un tel goût soit possible quand elle affirmait qu’en France « rien de bizarre n’est naturel ». On savourait la Lénore de Bürger et on dévorait les romans de Lewis, Mrs. Radcliffe et Maturin 2 . Collin de Plancy rédigea, en 1818, une vraie encyclopédie de ce genre, le Dictionnaire infernal, qui contenait déjà des articles spéciaux sur le vampirisme. Cet ouvrage est un des cinq ou six livres qui ont servi à Hugo pour sa Notre-Dame de Paris*. En 1819, Gabrielle de Paban fît paraître une Histoire

1 Le Vampire, drame fantastique en 5 actes et 10 tableaux, par A. Dumas et Aug. Maquet, représenté le 30 décembre 1851. Cf. E. Estève, op. oit., p. 78. Un opéra allemand en quatre actes, le Vampire, paroles de C.-G. Haeser, musique deMarschner, fut représenté à Leipzig le 28 mars 1828. « Cet ouvrage fort remarquable, dit le Dictionnaire des Opéras, se distingue particulièrementpar l’expression caractérisée des personnages de la pièce et par une harmonie originale et vigoureuse. Le Vampire ne pâlirait pas à côté du Freyschütz de Weber, l’ancien compétiteur de Marschner. » Cet opéra fut accueilli avec enthousiasme et représenté sur les théâtres de toutes les villes de l’Allemagne. Il le fut aussi à Londres et à Liège le 27 janvier 1845, avec succès. Il a été traduit et adapté à la scène française par Ramoux, et on se disposait à le donner à ['Académie de Musique lorsque les événements de 1830 en firent ajourner la représentation. Paul Féval traita une histoire de vampire dans son Chevalier Ténèbre (1861). De nos jours, M. A. Ferdinand Herold s’est inspiré du vampirisme (indien cette fois) dans ses Contes du Vampire (Mercure de France, 1902). Notons encore le Voukodlak, nouvelle de Léo Joubert, publiée dans le Siècle du 2 au 9 août 1855 ; Vikram and the Vampire, or Taies of Hindu Devilry, par sir Richard Burton, orientaliste anglais bien connu. 2 Voir ci-dessus, pp. 98-100. 3 Victor Hugo, leçons faites ci l’École Normale supérieure, sous la direction de Ferdinand Brunétière, Paris, 1902, t. I, p. 245.