"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

327

L’auteur du Voyage en Bosnie avait, lui aussi, parlé des vampires : nouvelle preuve pour Mérimée que la « couleur » serait insuffisante s’il ne leur accordait une place importante dans la Guzla d . Ainsi, persuadé que l’âme serbo-croate était constamment tourmentée par les monstrueuses histoires des buveurs de sang-, il n’hésita pas à composer cinq ballades exclusivement consacrées aux vampires. Une sorte de dissertation folklorique servait d’introduction à cette partie de son ouvrage. La note Sur le Vampirisîne* n en somme, qu’une transcription fidèle de quelques pages de dom Calmet, suivie d’une paraphrase sur le même thème. S’il y a là vraiment ce ton « candide et pédant » dont parle M. Filon 3 , le mérite en revient surtout au savant bénédictin qui a fourni la matière, Mérimée le reconnaît, de huit pages sur vingt-deux. Dans cette paraphrase, l’auteur de la Guzla raconte le plus sérieusement du monde un « fait du même genre dont il a été témoin ». Ce récit est, lui aussi, arrangé à l’aide de nombreuses histoires rapportées dans le Traité sur les apparitions, mais on y reconnaît facilement les passages où dom Calmet cède la plume à notre spirituel auteur. Selon son habitude, Mérimée y raconte une visite qu’il aurait faite à un Morlaque « riche, très jovial, assez ivrogne », Vuck Poglonovich. « Je voulais rester quelques jours dans sa maison, dit-il, afin de dessiner des restes d’antiquités du voisinage; mais il me fut impossible de louer une chambre pour de l’argent; il

1 Chaumette-Desfossés, Voyage en Bosnie, p. 74. 2 La Guzla, pp. 135-156. 3 Augustin Filon, Mérimée et ses amis, Paris, 1909, p. 38.