"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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corbeaux évitent de rapprocher. Malheur à qui passe près de ce cadavre ! Le vampire selon Mérimée. nous parlons de ses ballades, —c’est un héros, fatal encore après sa mort. Fatal à lui-même et fatal à ceux qui se trouvent sur sa route ; son amour est maudit ; il entraîne dans sa perte celle à qui il s’attache ; c’est un vampire très byronien que le vampire de Mérimée. Nicéphore se tue comme Werther, parce qu’il n’a pu épouser la belle Sophie; le « Vénitien » du Vampire et Cara-Ali sont des damnés qui excitent plus de pitié que de haine; à tout cela on ne reconnaît guère le vampire traditionnel que la superstition déclare tel, parce que durant sa vie il a vécu en original, ou parce que la nature avait placé dans ses yeux et dans ses traits quelque chose d’anormal; ou parce que, enfin, des circonstances bizarres ont accompagné sa mort. Cara-Ali 1 . Héros fatal, le vampire est dévoué à ceux qu’il aime; car ce n’est pas sa faute s’il provoque leur ruine ; le « Vénitien » est mort pour l’amour de Marie : « Une balle lui a percé la gorge, un ataghan s’est enfoncé dans son cœur» ; Cara-Ali meurt pour l’amour de Juméli : « Juméli! Juméli ! ton amour me coûte cher. Ce chien de mécréant m’a tué, et il va te tuer aussi. » Mais si le vampirisme est au fond de cette ballade, il n’en forme pas le véritable sujet : c’est un 'poème à tendance moralisatrice auquel nous avons affaire. Cara-Ali a séduit la belle Juméli parce qu’ « il est couvert de riches fourrures », tandis que son mari « Basile est pauvre ». « Quelle est, en effet, la femme

1 La Guzla, pp. 217-223.