"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE PREMIER.

gares, mais aussi des Russes et des Roumains. Un des plus beaux monuments de l’art médiéval serbe, l’Evangéliaire deMiroslav, doit ses charmantes enluminures à une inspiration française 1 . Cette ardeur cosmopolite des Slaves balkaniques alla jusqu’à se manifester par une version serbe de Tristan, aujourd’hui malheureusement perdue 2 . On fit même, en Bosnie, une version populaire de Maistre Pathelin 3 . Et, avant qu’une invasion turque vînt jeter, pour longtemps, dans une barbarie pitoyable toute cette jeune race qui semblait vouloir prendre la place occupéepar ses civilisateurs grecs, ces Serbes eurent l’occasion d’entrer en relations directes avec la France. Au xiv e siècle, une princesse royale française, dont l’identité n’est pas bien établie, devint reine de Serbie (Hélène, femme d’Étienne Ouroch ler),I er ), pendant qu’une famille provençale, les Baux (Balsae) qui seront chantés cinq siècles plus tard par leur grand compatriote Frédéric Mistral, fondait une dynastie au Monténégro 4 . A cette occasion, paraît-il, d’après les récentes recherches de M. Pavlé Popovitch, un roman français, la Manekine, de Ph. de Beaumanoir, arriva aux Slaves méridionaux, directement, sans l’intermédiaire de Bvzance 5 . •/

1 Édition fac-similé, par L. Stoyanovitch, Belgrade et Vienne, 1897. 2 M. Murko, Geschichte der âlleren südslawischen Litteraturen, Leipzig, 1908, pp. 181-184. A. Brückner, Ein weissrussischer Codex miseellaneus, Archiv fur slavische Philologie, t. IX, 1886. 3 D p Friedrich Krauss, dans la Zeitschrift für vergleichende Litteraturgeschichte, Neue Folge, 111 Band, Berlin, 1890, p. 351. 4 F. Lenormant, Peux dynasties françaises chez les Slaves méridionaux, Paris, 1861. s Pavlé Popovitch, Manekine in der südslavischen Litteratur dans la Zeitschrift für romanische Philologie, 1908, pp. 312-322 et 754.