"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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i 2 du xvi e au xvin e siècle L'exotisme littéraire n’est pas une des inventions romantiques : le xvii° siècle avait déjà des Gustave Wasa, des Mémoires du Sérail A des Anecdotes de la Cour ottomane et maints autres romans dont le sujet avait été emprunté à l’histoire plus ou moins authentique de l’Angleterre, de la Suède, de la Turquie, de la Perse, mais surtout à celle de ces deux derniers pays 1 . Les Slaves ne figurent pas dans cette littérature cosmopolite et, à l’exception du Czar Démétrius, « histoire moscovite » de M. de La Rochelle (1716), rien ne fut tenté pour les y introduire àce que nous sachions antérieurement à ce roman russe que Bernardin de Saint-Pierre se proposait d’écrire, et qu’il n’écrivit jamais Tandis que, dans la littérature anglaise, Shakespeare avait placé sa Douzième Nuit en Illyrie une très fictive Illyrie, cela va sans dire; en France, on n’eut jamais même l’idée de déguiser des héros quelconques sous des costumes « esclavons », « raguzois » ou « morlaques », ou de placer une histoire dans des décors balkaniques ou adriatiques, imaginaires ou réels. Le farouche Scythe de Marc-Aurèle, repris par La Fontaine, et ces joyeux Bulgares de Candide sont, peutêtre, les uniques représentants des populations balka-

1 Paul Morillot, Le Roman de 1660 a 1700 dans VHistoire de la langue et de la littérature française publiée sous la direction de Petit de Julleville, t. V, p. 574. 4 Maurice Souriau, Bernardin de Saint-Pierre, Paris, 1905.