"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » EN FRANCE.

413

de la conception et de l’œuvre, la nature de son esprit ne sera plus la même; ce ne sera plus l’homme. Nous sommes faits de manière à ne pouvoir comprendre autrement le beau que par la préexistence du type, et il faut que les partisans de la doctrine contraire ou n’aient pas porté sur eux-mêmes un regard assez attentif, ou se servent des mêmes mots pour exprimer les choses différentes. « Il s’ensuit que, dans l’ordre naturel de nos idées, le grand ouvrier dut avoir sous les yeux un archétype sur lequel s’est modelée cette nature qu’il a laissé tomber de ses mains. Le philosophe prouve la nécessité de cet archétype; il est donné au peintre et au poète de se figurer l’archétype même ; et c’est ainsi que la nature qui est l’objet des arts se nomme la belle nature, nature épurée, nature primordiale, nature typique; mieux que l’œuvre, la pensée du créateur. Si l’on adopte ces principes, et il serait difficile de les combattre avec quelque avantage, on sera forcé d’accuser la nouvelle école, d’un grand attentat contre la dignité de l’esprit humain ; car, puisque c’est du sentiment du beau que la règle est née, peut-on affranchir l’esprit humain de la règle, sans le dégrader? » Malgré toute son érudition philosophique ce fougueux défenseur de la vieille antiquité classique ne nous convainc qu’à demi ; malgré sa brillante démonstration de la nécessité de l’archétype, malgré sa foi si ferme en l’excellence des règles, nous ne. pouvons nous persuader qu’il soit plus beau et plus conforme à l’archétype d’appeler les héros d’une tragédie, d’un drame ou d’un roman de noms grecs et latins plutôt que de noms serbes, croates ou illyriens. Dans la suite, on voit bien que le critique ne s’entendait guère en matière de poésie primitive ; il jugeait la