"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » EN FRANCE.

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présentait avait véritablement une très ancienne origine. Mais il n’en est rien ; le comte de Sorgo eut moins d’esprit que ne le pense M. Skerlitch. Le manuscrit de F Arsenal, dont le savant professeur de Belgrade suspectait l’existence, existe toujours 1 . En 1882, M. Th. Vetter, croyant faire une importante découverte, l’a publié dans VArchiv fur slavische et, pendant vingt-deux ans, personne parmi les érudits slavicisants ne s’aperçut que ce chant était une vulgaire transcription de l’une des piesmas les plus populaires deKacic 3 . Nos contemporains les plus avisés s’y sont eux-mêmes trompés; qu’y a-t-il d’étonnant à ce que le comte de Sorgo s’y soit trompé lui aussi en -1840? Il n’était pas un érudit, le sens critique lui faisait complètement défaut, témoins ses brochures sur la langue et la littérature « slovinique 4 » ; c’était donc une erreur qu’il pouvait tout naturellement commettre, de croire que Milosch Kobilitch avait été composé par un contemporain de ce héros. A en juger d’après la minutieuse exactitude avec laquelle la traduction de la Guzla rend l’original serbocroate 5 , il ne semble guère que Mérimée ait apporté de très importantes retouches à la version qui lui avait été

1 Milosch K.obilitch se trouve à la suite d’un manuscrit de l’Osmanide de Gundulié, portant le numéro 8701 (anc. 8700 et 1 illyrien), pages 622-677 : « Pisma od Miloscia Gobilichja i Vuka Brancovichja » (Canto diMilos Cbbilich e di Vuko Brancovich). En serbo-croate et en italien [trad. par Fortis], 2 Th. Vetter, Bibliographisches aus Paris (Archiv fur slavische Philologie, tome VI, pp. 121-126). 3 Cf. ôurêin, op. cit., pp. 28-29. 4 Osman, poème illyrien, Paris, 1838. Fragments sur l’histoire politique et littéraire de l’ancienne République de Raguse et sur la langue slave, Paris, 1839. Sur la ville et l’ancienne République de Raguse, Paris, 1839. 5 A ce sujet lire l’article cité de M. Matic, pp. 63-64.