"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » EN ALLEMAGNE.

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Car, il faut bien le dire, ce ne fut pas exclusivement par sympathie pour le jeune écrivain français que Goethe parla de la Guzla ; il avait sur sa table plusieurs recueils de poésies serbes; il voulut dire de tous un mot en même temps. Dans le numéro où il démasqua Hyacinthe Maglanovich, il présenta au public la traduction anglaise que John Bowring avait faite de certains chants serbes (Servian Popular Poetry), ainsi que la traduction allemande de Gerhard. Parlant de cette dernière, il ne dit pas un mot de toute la seconde partie de la Wila, sans doute pour ménager la susceptibilité de ce brave Gerhard qui s’était laissé si facilement mystifier. Mais, cela va sans dire, il se trouva obligé de dévoiler, dans une notice à part, le mystère qui enveloppait •la Guzla, cet « ouvrage qui frappe, dès le premier coup d’œil ». Cette notice, il ne l’inséra pas tout entière comme il l’avait dictée: ce n’est qu’après sa mort qu’on en a publié une suite où il disait : « M Mérimée est, en France, un de ces jeunes indépendants occupés à chercher une route qui soit vraiment la leur; la route qu’il suit pour son compte est une des plus attrayantes ; ses œuvres n’ont rien d’exclusif et de déterminé ; il ne cherche qu’à exercer et à perfectionner son beau talent enjoué, en l’appliquant à des sujets et à des genres poétiques de toute nature. » Quant à la Guzla, Goethe lui reprochait de n’être pas suffisamment un pastiche de la poésie serbe. « Le poète, dit-il, a laissé de côté, dans ses imitations, les modèles qui présentaient des tableaux sereins ou héroïques. Au lieu de peindre avec énergie cette vie rude, parfois cruelle, terrible même, il évoque les spectres, en vrai romantique ; le lieu où il place ses scènes est déjà effrayant ; le lecteur se voit la nuit, dans des églises, dans des cimetières, dans des carre-