"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » DANS LES PAYS SLAVES.

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de Don Quichotte, presque toujours par de jaloux patriotes qui ont voulu reprendre le bien ravi à la nation espagnole par le senor Le Sage 1 . Mérimée qui. dès l’époque de la Guzla, connaissait bien la littérature espagnole, n’aurait pas été étonné, s'il les avait pu lire, des louanges que lui donne son biographe : Pouchkine traduisit plusieurs pièces [de la Guzla] en russe, comme pour rendre aux Slaves ce qui appartenait aux Slaves. Ce fait donne à réfléchir. Lorsque le génie d’une grande race, représenté par son poète le plus illustre, se reconnaît dans une manifestation littéraire, personne n’a plus le droit de mépriser cette manifestation, pas même celui qui en est l’auteur 3 . L’éminent écrivain nous pardonnera si nous sommes obligé de faire sur ce point quelques réserves. De fait, le grand poète dont il parle, non seulement ne représente pas le peuple dont la Guzla prétendait être l’expression nationale, mais lui aussi, il comprit la poésie primitive comme on la comprenait dans son temps: il fut un curieux avec plus de fantaisie que de documentation, avec plus de bonne volonté que de scrupules. Un écolier de nos jours, après quelques études historiques, même superficielles, ne ferait pas une surprenante découverte s’il nous disait que, à plus d’un point de vue, Pouchkine était dépourvude sens critique. Tout d’abord, il faut dire qu’il existe entre le russe et le serbo-croate autant de différence qu’entre le français et le portugais. Pouchkine, malgré quelques études du serbe, n’avait pas plus de compétence pour juger de l’authenticité de la Guzla que n’en aurait eu Alfred de Musset pour décider sur un recueil de faux folklore

1 Don Dionisio Hidalgo ne mentionne pas moins de trente-sept éditions de ces traductions. (Diccionario general de Bibliografia espanola, t. I, Madrid, 1862, pp. 173-180.) - A. Filon, op. oit., loc. cil.