"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE xi.

catalan ou romanche. Il était aussi peu renseigné sur le pays d’Hyacinthe Maglanovich que l’étaient le critique de la Monthly Review ou l’honnête M. Gerhard. Nous croyons n’étonner personne : Goethe connaissait infiniment mieux que lui le caractère et l’histoire des Slaves du Danube et de l'Adriatique h II ne faut pas oublier, non plus, que toute la famille de Pouchkine parlait exclusivement le français et qu’il débuta dans la littérature en s'essayant à imiter Molière, en français. Ensuite, il est nécessaire de faire observer que le poète de Rouslan et Lioudmila, bien qu’il fût l’un des premiers poètes russes qui s’inspirèrent des traditions populaires, avait sur le folklore des idées aussi vagues etaussi indécises que les critiques français de 1827. Suivant son dernier biographe, M. V. Sipovsky 2 , il confondait la superstition et la légende, ne se souciait pas de la provenance du récit aussi bien qu’il ignorait quelle conscience le collectionneur de ballades doit mettre dans l'interprétation de ses textes et quelle fidélité il leur doit toujours garder. Mérimée, dans l’article, qu'il consacra à Pouchkine plusieurs années après avoir écrit l’Avertissement de la deuxième édition, ne se trompe pas quand il dit qu’à cette époque « le beau monde de Saint-Pétersbourg n’entendait rien aux antiquités slaves », mais il exagère en prétendant que « Pouchkine n’y apporta que la curiosité un peu méprisante d’un voyageur européen qui aborde dans une île de sauvages 3 ». Pouchkine, au contraire, ne

1 Pouchkine.appelle naïvement les Serbes : les Slaves occidentaux. Or, de son temps déjà, ce nom était réservé aux Tchèques et aux Polonais. Il fallait dire : les Slaves méridionaux. 2 V. Sipovsky, A. S. Pouchkine, jizn i tvoratchestvo, Saint-Pétersbourg, 1907, pp. 447-474. 3 Moniteur universel des 20 et 27 janvier 18.68. Portraits historiques et littéraires, Paris, 1874.